PROPOSITION DE RESOLUTION
favorisant la mobilité internationale des élèves du secondaire,
présentée par M. Bernard Perrut
député,
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France investit près de 160 milliards d’euros dans son système éducatif chaque année, soit plus de 6 % de son produit intérieur brut, représentant ainsi plus de 8 810 euros par élève selon l’INSEE. Cette somme reflète l’importance que revêt l’accès aux savoirs pour les générations présentes et à venir, et témoigne du désir de former les futures forces vives de la nation à faire face aux nombreux défis à relever qu’ils soient économiques, sanitaires, environnementaux...
A ce titre, l’ouverture des esprits sur un monde toujours plus interconnecté est une nécessité, et c’est pourquoi notre Education nationale se doit aussi d’être tournée vers l’international, que ce soit à travers un enseignement en langues étrangères de qualité mais également par la découverte de l’altérité. Et quoi de mieux que s’y confronter en effectuant une année de mobilité lors des années de lycée ? C’est d’ailleurs le souhait exprimé par le Président de la République, lors de son discours de la Sorbonne, qui affirmait : « En 2024, la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen. Qu’il soit étudiant ou apprenti. »
Pourtant, notre pays se classe seulement au 25ème rang du classement TOEFL[1] dans la liste des 43 pays européens, et seuls 14 % des élèves de collège et lycée ont un bon niveau dans leur langue LV1 (qui est à 90 % anglais), contre 82 % à Malte ou en Suède. Malgré les réformes sur le sujet, les élèves français continuent de rencontrer de réelles difficultés pour s'exprimer dans une langue étrangère : en fin de collège, 75 % n'arrivent pas bien à se faire comprendre en anglais ; ils sont 73 % en espagnol et 62 % en allemand. En expression écrite, seul un sur deux atteint le niveau requis au primaire en anglais. Leurs résultats restent ainsi bien inférieurs à ceux de leurs camarades européens : seuls 29 % des 14-16 ans atteignent le niveau attendu en fin de collège.
Si l’on peut pointer du doigt le faible volume horaire de trois heures de langues dispensées par semaine, il est également regrettable que les formations conduisant à des baccalauréats binationaux restent largement marginales alors qu’elles permettent un enseignement plus soutenu en langues vivantes. Le fait de suivre une partie de sa scolarité à l’étranger représente ainsi une chance de contrer ce phénomène puisqu’il s’agit, par l’immersion dans un environnement étranger, de permettre un apprentissage pratique et accéléré de la langue du pays.
Par ailleurs, la mobilité individuelle internationale épargne le coût que représenterait l’augmentation du volume horaire dans un contexte de surcharge des emplois du temps des élèves, et la recherche de professeurs de langue supplémentaires, alors même que le gouvernement peine à atteindre le quota de 54 000 enseignants fixé par loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Si la dimension linguistique est prégnante, le fait d’accueillir des jeunes en mobilité est également, à l’échelle de chaque État, un indicateur d’attractivité et un levier de l’influence culturelle. La promotion de la francophonie passe aussi par l’accueil d’étudiants étrangers auxquels sont dispensés des formations linguistiques accessibles et de qualité.
Or, déjà en 1995, le Livre blanc de la Commission européenne, en 2001, le Traité européen de Nice, ou en 2003, le rapport sénatorial sur l'enseignement des langues étrangères en France, exprimaient l’importance d’une amélioration du système des mobilités et d’une augmentation significative de leur nombre. Mais si ces différentes publications ont tenté d’apporter une réponse à cette faiblesse française, force est de constater que peu de choses ont changé dans le quotidien de nos élèves qui ne sont toujours pas suffisamment sensibilisés à la mobilité internationale et ne bénéficient pas, dans leur majorité, d’un niveau suffisant en langues étrangères pour être opérationnels à leur entrée du monde du travail.
Il apparait en effet que bien peu d’élèves français effectuent une année à l’étranger, et ce pour plusieurs raisons.
Si la mobilité peut être individuelle ou collective, sous ses formes diverses, ce qui souvent empêche les élèves français de partir, c’est tout simplement en raison de la méconnaissance des différentes possibilités d’échange mises à leur disposition, mal publicisées. Alors que de nombreuses associations ont fait la preuve de leurs compétences en matière d'organisation de la mobilité à la charge (parfois lourde) des parents, le système éducatif français doit promouvoir une mobilité accompagnée à des fins d'apprentissage dans le cadre d'un partenariat scolaire et/ou dans le cadre d'un projet pédagogique précis. Par exemple au Danemark, une année de césure entre le collège et le lycée a été institutionnalisée, permettant à au moins un élève danois sur deux de partir à l’étranger avant la fin du secondaire.
Un autre élément de blocage pour ceux qui connaissent les possibilités d’échanges existantes actuellement réside dans le fait que l’expérience à l’étranger ne soit pas prise en compte dans leur cursus (absence d’équivalence dans la filière générale par exemple). Comptant comme une année de césure ou une année blanche, beaucoup d’élèves renoncent à cette possibilité offerte et pourtant bénéfique pour leur parcours, de crainte d’être pénalisés à leur retour. Il est important que le projet de mobilité soit intégré dans un projet d'établissement et ne soit pas seulement porté par chaque famille pour son enfant.
Il faut noter toutefois que depuis 2014, la mobilité internationale peut être reconnue pour certaines voies professionnelles où des évaluations à distance sont désormais possibles. Malgré cet aménagement, seuls 7 000 élèves en voie professionnelle ont effectué un séjour à l’étranger et ce en raison, encore une fois, du manque de visibilité de ces possibilités d’échange.
Plusieurs programmes offrent des possibilités de mobilités de différentes durées aux élèves de l'enseignement secondaire, notamment : les programmes franco-allemands Sauzay et Voltaire (3 et 6 mois), l'année scolaire dans un lycée d'enseignement français de l'étranger (« bourses de Londres » pour six lycées en Europe), les échanges franco-britanniques (Lefevre et Charles de Gaulle), le programme européen Erasmus + (qui concerne autant les élèves de l'enseignement scolaire que les étudiants). Outre ces programmes spécifiques, tout établissement a la possibilité de développer des échanges avec des partenaires dans le monde en instituant une convention d'études. Les échanges peuvent également se vivre à distance en s'appuyant sur le programme européen « eTwinning ». Se dessine ici un dernier obstacle à la mobilité internationale de nos jeunes : la complexité d’accès aux programmes d’échanges existants qui sont nombreux, spécifiques à chaque destination et proposent des modalités d’accès différentes qui ne permettent pas toujours de multiplier les candidatures. Par ailleurs, les inscriptions devant se faire longtemps à l’avance, et couplées à la faible diffusion des informations concernant ces programmes et les organismes qui peuvent les proposer, le vivier de candidats reste réduit quand ces derniers réussissent à aller au bout des démarches à entreprendre, selon un calendrier très resserré.
C’est pourquoi, afin de faire face à la méconnaissance des programmes existants, leurs spécificités, leurs difficultés d’accès, et leur non-reconnaissance dans le cursus scolaire traditionnel, cette présente proposition de résolution a pour objectif de proposer plusieurs pistes d’améliorations permettant de lever les écueils du système actuel pour pouvoir favoriser l’accès à ces cursus et valoriser la mobilité internationale des élèves du secondaire.
PROPOSITION DE RESOLUTION
Article unique
L’Assemblée Nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du règlement de l’Assemblée Nationale,
Considérant le faible nombre d’élèves du secondaire effectuant une année de mobilité à l’international et le manque de statistiques sur ces départs ;
Considérant les bénéfices pour nos élèves du suivi d’une année scolaire à l’étranger, et les perspectives personnelles offertes par cette ouverture sur le monde, la constitution d'un bagage linguistique solide, l’impact direct de ces programmes d’immersion sur l’employabilité des jeunes et leur meilleure insertion sur le marché du travail ;
Considérant la méconnaissance de ces programmes d’échange et de mobilité internationale s’adressant aux élèves du secondaire ;
Considérant la complexité d’accès à ces programmes ;
Considérant l’absence d’équivalence scolaire dans la filière générale ;
Invite le Gouvernement à clarifier les chiffres et enrichir les statistiques publiques sur le nombre annuel de départs et retours d’élèves d’une année scolaire poursuivie à l’étranger, selon la filière, le pays de destination, l’organisme utilisé et les conditions d’accès ;
Invite le Gouvernement à sensibiliser les élèves, dès le collège, sur les différents programmes d’échange et de mobilité internationale, ainsi que sur leurs bénéfices pour la scolarité ;
Encourage le Gouvernement à impulser un rapprochement des différents organismes d’échange et de mobilité internationale ;
Encourage le Gouvernement à reconnaitre des équivalences pour les élèves poursuivant leur scolarité à l’étranger afin d’intégrer cette année d’étude à leur cursus en France ;
Invite le Gouvernement à envisager l’institutionnalisation d’une année scolaire à l’étranger pour l’ensemble des élèves du secondaire.
[1]Le « Test of English as a Foreign Language » est l’examen requis par la plupart des universités de langue anglaise comme condition d’admission des étudiants non-anglophones.