PROPOSITION DE LOI
tendant à lutter contre la banalisation des menaces et violences contre les maires et les personnes dépositaires de l’autorité publique en renforçant les peines encourues,
présentée par M. Bernard Perrut député,
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Chaque semaine, des maires et des élus municipaux, qui s’engagent pour la sécurité de leurs concitoyens et font appliquer les lois de la République, sans jamais renoncer, risquent leur vie.
Les uns après les autres, ces visages de la République du quotidien sont invectivés, injuriés, victimes de dégradations de leurs biens et de violences, voire même menacés de mort, par ceux qui refusent qu’ils appliquent les lois et fassent respecter l’ordre.
Alors qu’ils ont fait le choix de se mettre au service de l'intérêt général et qu’ils jouissent pourtant d’une grande popularité auprès des Français, nos édiles sont en danger, comme en témoigne une nouvelle série d’agressions dans le département du Rhône, à l’encontre d’élus à Lyon, Rillieux-la-Pape, Bron et Grigny. Ces derniers ont tous fait l'objet d'intimidations en marge des violences urbaines qui ont émaillé ces dernières semaines la métropole lyonnaise.
Si le maire du 2ème arrondissement de Lyon a rapporté avoir été insulté et menacé par une trentaine de jeunes qu'il a surpris en plein tournage d’un clip de rap illégal dans un sous-sol de la gare Perrache, le maire de Rillieux-la-Pape, à une dizaine de kilomètres de là, a lui aussi fait l'objet d'admonestations. Au lendemain des incidents qui ont eu lieu dans le quartier des Alagniers, de graves menaces, notamment de décapitation, ont été taguées à son intention sur le mur d’une école primaire et de la Maison pour tous de la ville. Le maire de Rillieux-la-Pape avait déjà fait l'objet de menaces en février dernier et son placement sous protection policière apparait nécessaire. Mesure dont bénéficie d’ores-et-déjà le maire de Bron, après avoir lui aussi reçu des menaces répétées.
Ces faits viennent s’ajouter à la longue liste d’élus pris pour cible ces derniers mois, et dont le décès du maire de Signes en 2019, renversé par une camionnette dont il voulait verbaliser les occupants pour avoir jeté des gravats sur le bord d'une route, est le point culminant.
De janvier à août 2020, l'Association des Maires de France a dénombré l'agression de 233 élus locaux, soit près de 20 % de plus que l'année passée à la même date. Selon le ministère de la Justice, 263 affaires d'atteinte aux élus ont été signalées rien qu'en 2019. 41 % de ces affaires constituent des atteintes aux personnes, ce taux atteignant 66 % lorsque la victime est un maire.
Cette dégradation du respect de la fonction municipale, et de l'autorité qu’elle incarne, atteste des difficultés grandissantes que vivent chaque jour nos élus dans l'exercice de leur mandat. Les élus victimes de ces violences se sentent désarmés dans ces moments difficiles.
Cette situation est insoutenable : attaquer un maire, ou l’un de ses adjoints, c’est attaquer la République elle-même, la démocratie et ses institutions. Les élus locaux sont en effet, par leur engagement et le mandat qu'ils détiennent, les représentants de l’expression démocratique locale. Ils occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et toute atteinte à leur encontre constitue également une atteinte au pacte républicain. De tels faits sont
intolérables dans le fonctionnement démocratique d'un État de droit.
Mais le phénomène ne s’arrête pas là ; il frappe aussi durement nos forces de l’ordre qui sont également confrontées, dans l’exercice de leurs missions, au développement d’une violence accrue à leur égard et qui prend la forme de menaces, d’attaques, d’intimidations, d’outrages, d’injures et de calomnies de toutes sortes.
L’année dernière, près de 11 000 policiers et gendarmes ont été agressés, soit 30 agressions par jour, au cours desquelles sept d’entre eux ont trouvé la mort. En 2019, 28 558 outrages à agent dépositaire de l’autorité publique, ont été recensés – soit une augmentation de 5,3 % par rapport à 2018. Ce bilan évoque près de 24 000 refus d’obtempérer en 2019, soit un toutes les 30 minutes ! En 2020, 36 043 violences visant nos agents des forces de l’ordre ont été signalées. Au total, 11 217 policiers et gendarmes ont été blessés sur le terrain, soit près de 30 par jour et
+17 % par rapport à 2017. Il y a tous les jours environ 100 actes de violences à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique, représentant une hausse de 21 % en trois ans.
Ces chiffres reflètent le sentiment d'impunité régnant dans notre pays et appellent à la plus grande sévérité. Nos policiers nationaux, municipaux et nos gendarmes assurent chaque jour, avec dévouement et détermination, professionnalisme et courage, le respect de la loi républicaine et la protection de nos concitoyens. Alors qu’ils exercent bien souvent leur tâche dans des conditions extrêmement délicates, au mépris de leur intégrité physique et au péril de leur vie, voire même de leur famille. L’uniforme, censé protéger les Français, est aujourd’hui devenu une cible.
Ainsi, le risque intrinsèque à ces métiers, auparavant limité au strict cadre professionnel, s’est déplacé au sein même de la vie personnelle et de la structure familiale, alimentant le malaise policier déjà latent.
Selon les chiffres fournis par la police nationale, 59 policiers se sont suicidés en 2019, soit 60% de plus qu'en 2018. En juin 2018, le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure alertait déjà sur le taux de suicide anormalement élevé au sein des forces de l'ordre.
A l’instar de nos maires et de nos forces de l’ordre, cette violence ordinaire va même jusqu’à toucher nos sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires. Ils sont de plus en plus victimes d’insultes et d’agressions en intervention. De tels comportements mettent en péril leur sécurité mais aussi celle des victimes.
Partout en France, ces agressions se multiplient : en 10 ans, elles ont augmenté de 213 % selon l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Selon un rapport d'information du Sénat déposé en décembre 2019 sur les violences contre les pompiers, sur les cinq premiers mois de 2019, ces violences ont augmenté de 50 % par rapport à la même période de 2018. Une situation qui va de pair avec l’explosion du nombre de leurs interventions ces dernières années pour assurer du secours à personne (+7% chaque année) et des effectifs qui ne s'accroissent pas. Assurer plus de missions, parfois hors domaine de compétences, avec moins d'effectifs dans un contexte de violence qui semble s'accroitre relève donc du quotidien harassant de ces hommes et femmes en première ligne, qui continuent pourtant d’aider, de soutenir, de secourir les Français.
Malgré le nouveau plan de prévention et de lutte contre les agressions de sapeurs-pompiers lancé cet été 2020, les professionnels du secteur se trouvent toujours face à une recrudescence des violences. Le week-end du 3 au 4 octobre 2020 a notamment été marqué par plusieurs agressions en Rhône-Alpes : un pompier a été blessé à la tête par un homme armé d'une hachette dans le 7ème arrondissement de Lyon, tandis que des soldats du feu ont eux été violemment pris à partie lors de violences urbaines à Rillieux-la-Pape. Les pompiers ont dû se retrancher dans le poste de police en raison d'un manque d'effectifs pour assurer leur sécurité.
Tous ces faits sont inadmissibles et constituent des atteintes inacceptables à l'autorité de l'État et à l’Etat de droit. L’augmentation constante de ces violences implique la mise en place d’une répression particulière et doivent donner lieu à des réponses pénales fermes et rapides. La protection de nos forces de sécurité doit être notre priorité au titre de la défense de leur honneur et à la reconnaissance de leur engagement au service de la Nation.
Après avoir atteint un nouveau record de coups et blessures volontaires, face à l'inexécution des peines et à la chute du nombre de criminels incarcérés, nous assistons aujourd’hui à une banalisation des menaces et violences contre les personnes dépositaires de l’autorité publique.
L'insécurité et le nombre d'agressions élevé auxquels font face nos élus locaux, nos forces de l’ordre et nos pompiers – représentants de l’autorité sur nos territoires, nécessitent impérativement de nouvelles solutions pour lutter contre ce phénomène. Notre démocratie doit protéger ses représentants, ceux qui y font régner l’ordre et nous protègent. Ils doivent être soutenus dans leur action quotidienne pour être en mesure de la poursuivre sereinement.
C’est pourquoi cette proposition vise à durcir les sanctions pénales contre les atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique.
- Ainsi, le dispositif porte les peines pour les violences verbales et les menaces à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende pour un acte « simple » et à sept ans et 100 000 euros pour une menace de mort ou une atteinte aux biens dangereuse pour les personnes.
- Pour ce qui est de l’outrage, une peine d’un an de prison est appliquée avec le doublement de l’amende prévue actuellement ; les actes avec circonstances aggravantes verront quant à eux les peines de prison et d’amende doubler.
- En cas d’agressions physiques, les peines privatives de liberté encourues en cas de
violences contre une personne dépositaire de l’autorité publique passent de 20 à 30 ans de réclusion criminelle en cas de décès de la victime dès lors qu’une autre circonstance aggravante aurait accompagné l’infraction et de 15 à 20 ans de réclusion en cas d’infirmité de la victime dès lors qu’une autre circonstance aggravante aurait accompagné l’infraction.
Le 4° de l’article unique crée quant à lui un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou titulaire d’un mandat électif public permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but d’exposer elle‑même ou les membres de sa famille à un risque immédiat d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens. Cette incrimination a pour objet de prévenir la commission d’infractions portant atteinte aux personnes et aux biens. Le comportement prohibé est donc réprimé indépendamment de l’existence d’un résultat. La création de ce délit vise ainsi à protéger en interdisant la diffusion malveillante de données personnelles, notamment sur un service de communication au public en ligne.
Pour l’ensemble de ces faits, les peines peuvent être assorties d’une interdiction des droits civiques lorsqu’une personne titulaire d’un mandat électif est visée.
Le code pénal est ainsi modifié :
PROPOSITION DE LOI
Article unique
1° L’article 433-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » et le chiffre : « 45 000 » est remplacé par le chiffre : « 75 000 » ;
b) À l’avant-dernier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le chiffre :
« 75 000 » est remplacé par le chiffre : « 100 000 » ;
c) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits sont commis au préjudice d’un titulaire d’un mandat électif public, les peines peuvent être assorties d’une interdiction des droits civiques. »
2° L’article 433-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de 7 500 € » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » et le chiffre : « 15 000 » est remplacé par le chiffre : « 30 000 » ;
c) Aux troisième et dernier alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » et le chiffre : « 7 500 » est remplacé par le chiffre : « 15 000 » ;
d) Au dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » et le chiffre : « 30 000 » est remplacé par le chiffre : « 60 000 » ;
e) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’outrage est adressé à une personne titulaire d’un mandat électif public, les peines peuvent être assorties d’une interdiction des droits civiques. »
3° Après le b des articles 222-8 et 222-10, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Dans deux des circonstances prévues aux 1° et suivants du présent article. » 4° Après l’article 223‑1, il est inséré un article 223‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. 223‑1‑1. – Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou titulaire d’un mandat électif public, permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
« Lorsque les faits sont commis au préjudice d’un titulaire d’un mandat électif public, les peines peuvent être assorties d’une interdiction des droits civiques. »